SPORTS ET LOISIRS –
Malgré la traditionnelle francophilie des Portugais, la demi-finale d’aujourd’hui contre la France, à Munich, représente pour la sélection portugaise l’opportunité d’une « double revanche » : les Portugais n’ont pas oublié que, à l’Euro 2000, le Portugal avait été éliminé en demi-finale par la France, « à cause d’un penalty injuste », et, d’autre part, ils ont aussi souffert dans leur âme de l’élimination de leurs « frères » brésiliens en Allemagne. Ce dernier aspect est d’autant plus important que, au-delà de leurs profondes affinités historiques, linguistiques et culturelles, le Portugal et le Brésil ont encore une raison supplémentaire pour être ensemble aujourd’hui contre la France : Luis Felipe Scolari, alias « Felipão ». Le sélectionneur de l’équipe portugaise est en effet de nationalité brésilienne. Un entraîneur à l’origine de la « réussite » de l’équipe nationale, d’abord à l’Euro 2004 (2e place) et maintenant en Allemagne. Après la fameuse sélection d’Eusebio, en 1966, c’est la deuxième fois en quarante ans que le Portugal joue une demi-finale du Mondial.
Pourtant, dans un premier temps, le « noyau dur » de la sélection portugaise, avec Figo en tête, a opposé une dure résistance à « Felipão » et plus encore à l’entrée du meneur de jeu brésilien Deco, qui était considéré comme un « mercenaire étranger ». Mais la vague de patriotisme qui déferle au Portugal depuis l’Euro 2004 et avec le Mondial 2006 a enterré la polémique : « Felipão » et Deco chantent l’hymne national avec la même ferveur que tous les Portugais et Figo est le premier à reconnaître maintenant qu’ils sont « indispensables » à la sélection. Mieux encore ! Tout le pays a une confiance aveugle dans la « bonne étoile » de « Felipão », qui a déjà un titre de champion du monde (2002, avec le Brésil) et qui reste sur douze victoires consécutives au Mondial (huit avec la sélection brésilienne et quatre avec la portugaise). Son secret ? Pour motiver les joueurs, il utilise notamment une méthode peu orthodoxe : la nuit, il glisse sous la porte de leurs chambres des petites phrases percutantes, extraites de ses livres de chevet. Au Mondial 2002, il a utilisé « L’Art de la guerre », écrit il y vingt-cinq siècles par Sun Tzu, qui enseigne que la victoire repose plus sur des aspects moraux et psychologiques, les circonstances de la bataille, la ruse et l’effet de surprise que sur la puissance des armées . Mais, en Allemagne, son livre de référence c’est « Volant comme un aigle », de l’historien brésilien João Roberto Gretz, qui parle beaucoup d’« équilibre émotionnel » et d’« intelligence spirituelle ». « On apprend à marcher à coups d’erreurs et de réussites », prêche Scolari a ses « élèves » les plus fragiles, comme le jeune Cristiano Ronaldo, qui vient d’un milieu social très modeste et manque de préparation pour bien digérer sa célébrité. Bref, si le Portugal élimine la France et emporte ensuite le Mondial, les Portugais sont disposés à adorer « saint Felipão », qui, de son côté, a une grande dévotion pour les Vierges de Caravaggio et de Fatima… ainsi que pour la « personnalité historique » de l’ancien dictateur chilien, le général Pinochet.
JOSÉ ALVES (À MADRID)
Fonte: Les Echos (França)